Interview de Vaina

Pour cet entretien, on voyage avec Vaina, danseuse et professeure française expatriée à Dubaï. Elle nous parle de son parcours, son arrivée aux Emirats et toutes les différences entre le métier de danseuse ici et là-bas.

 Bonjour Vaina,

Merci beaucoup de répondre à mes questions. 😀

Vaina danseuse de Dubaï

Comment es-tu arrivée à Dubaï ? Un coup de tête ou une idée mûrement réfléchie ?

J’ai toujours vécu a l’étranger : j’ai vécu à Londres, à Rome et aux Etats-Unis. Je suis retournée vivre en France après avoir habité près de 10 ans en Italie. Au bout de 3 ans, je voulais déjà aller voir ailleurs. Dubaï a toujours été une ville qui m’attirait. C’est une ville très dynamique, les opportunités de travail sont plus intéressantes qu’en Europe et il y a une énorme demande pour la danse.

Je ne suis pas partie sur un coup de tète, j’ai beaucoup préparé ce départ, surtout au niveau financier, mais j’avoue que j’aurais du faire un peu plus de recherches avant de partir. Je suis extrêmement bosseuse et déterminée, je suis toujours partie seule m’installer à l’étranger donc ce n’est pas quelque chose qui me fait peur. A Dubaï, si on a l’envie de réussir, qu’on est débrouillard et qu’on n’a pas peur de bosser 10 fois plus, on y arrive très bien.

Les deux premières années, j’ai eu du mal a m’adapter a cette ville si différente des autres endroits où j’ai vécu. Il m’a fallu du temps avant de connaître des gens, créer des liens professionnels ou même d’amitié car les mentalités sont vraiment différentes ici. J’ai mis du temps à faire ma place mais aujourd’hui, c’est une ville que j’adore, j’ai mes amis, mes habitudes, ma danse, mon travail. Je trouve que tout est beaucoup plus simple ici car les Emirats sont très bien gérés et les gens respectent beaucoup ce pays.

Au niveau de l’événementiel, comment as-tu réussi à faire “ta place”, à te créer un réseau ?

Ca a pris beaucoup de temps pour que je fasse ma place. Je n’ai pas vraiment fait d’évènementiel la première année parce que je n’avais pas les bons contacts et je ne savais pas du tout comment m’y prendre. Ici c’est vraiment différent de l’Europe.
J’ai commencé à approcher tous les agents de Dubaï en envoyant mes photos et vidéos qui, bien sûr, n’allaient pas du tout (j’ai du refaire tout mon portfolio après avoir demandé conseil à d’autres danseuses de Dubaï). Je travaille aussi à plein temps donc je ne suis pas aussi disponible que d’autres danseuses qui peuvent travailler tous les soirs. Cela a pas mal limité mon champs d’action. J’ai fait surtout de l’événementiel d’entreprise et des soirées privées telles que les anniversaires ou les mariages les 2 premières années.
Ce qui m’a aidé aussi, c’était le bouche-à-oreille grâce a mes cours. Je travaillais dans 3 écoles de danse différentes et je donnais des cours particuliers. Petit à petit, c’est surtout ça qui a marché.

vaina danseuse orientale dubai

Est-ce que tu te souviens de ton premier contrat ?

Je n’ai eu mon premier contrat qu’au bout de 2 ans. J’avais démarché beaucoup d’hôtels 5 étoiles a Dubaï et c’est tout simplement en tombant sur un manager qui parlait français que j’ai décroché mon premier contrat. C’était un des plus beaux hôtels de Dubaï, j’ai eu beaucoup de chance. Je dansais quatre soirs par semaine, pour moi c’était parfait !

Y a-t-il quelque chose de différent à propos des clients émirati ?

A Dubaï, on travaille plutôt avec des expatriés. Les prestations pour les clients émiratis sont surtout à Abu Dhabi ou à Ajman (2 autres Emirats), ce que je fais de temps en temps mais je préfère travailler à Dubaï. Lorsque j’ai des prestations pour des émiratis, ce sont des mariages, des “henna parties” ou des anniversaires et ce sont uniquement des évènements pour un public féminin. Les hommes et les femmes émiratis ne font pas d’évènements sociaux ensemble.
J’ai fait différents types d’évènements pour les émiratis donc je ne dirais pas qu’il y a un profil-type mais souvent ces clientes demandent que la danseuse soit plus couverte, ce qui est complètement différent de ce qu’on nous demande dans les évènements pour les expatriés. En général, les émiratis sont très exigeants et veulent tout choisir : les costumes, la musique, etc.

Est-ce qu’il y a d’autres attentes en termes d’esthétique ?

Je pourrais écrire des pages et des pages à ce sujet ! Quand j’ai vu pour la première fois les danseuses de Dubaï, j’ai eu beaucoup de complexes 😂. Ici, on ne privilégie pas tellement l’artistique mais plutôt le physique. On est des dizaines et des dizaines de danseuses présentées pour chaque contrat, la première chose que le client va regarder c’est le physique, ce n’est pas la façon de danser.

Qu’on soit d’accord ou pas, c’est la réalité ici et si on veut travailler on s’adapte. Après tout, c’est un milieu artistique donc le physique compte. J’ai du changer complètement mon image car je n’avais pas le “physique de l’emploi”. Mes costumes étaient juges trop “artistiques” et je n’avais pas non plus les formes qu’il fallait. Il m’est arrivé plusieurs fois de ne pas avoir de contrat parce que je ne correspondais pas aux critères d’ici. En général, ici il faut avoir de la poitrine, des fesses et être grande ! J’ai plusieurs fois été rejetée pour des contrats car je n’étais pas assez grande, et la poitrine n’en parlons pas ! Je me souviens avoir remplacée une fois une danseuse à la dernière minute sans avoir été choisie en photo, j’étais juste la seule disponible. Quand le manager m’a vu sortir de la loge, il a hurlé “Mais elle ne va pas sortir comme ça celle-là ! Faut rembourrer !” Cela a été un des moments les plus traumatisants de ma vie artistique !

danseuse orientale dubai

Est-ce plus lucratif que dans les autres pays où tu as pu travailler ?

Je pense que les Emirats est le pays le plus rémunérateur ou j’ai travaillé. Il y a beaucoup de moyens ici et les gens aiment faire la fête et organiser de somptueux évènements. Il y a beaucoup d’opportunités aussi, énormément d’évènements que ce soit en semaine ou le week-end.
Mais pour moi Dubaï était plus intéressant avant la crise du Covid, au niveau de la rémunération. Les cachets ont beaucoup baissé, ce n’est plus tellement comme avant. Je voyageais aussi beaucoup au Koweït pour les évènements mais il y a beaucoup moins de demandes et, avec les restrictions, je n’ai plus l’occasion d’y aller.

J’imagine qu’il y a beaucoup de concurrence et que de nouvelles danseuses arrivent régulièrement.

Dubaï est une ville bling bling, il y a beaucoup d’argent, beaucoup d’évènements, je comprends que cela attire. Pour moi, c’est surtout la sécurité qui est importante. Je n’ai jamais eu de soucis en prestations : on travaille dans des hôtels 5 étoiles, pour les anniversaires ou les henna parties, c’est toujours dans des quartiers hypers sécurisés. C’est sûr que c’est très différent de danser en Europe ou en Egypte. Cela change tout de travailler en se sentant en sécurité et de ne pas avoir à se changer dans les toilettes ou dans le garde-manger d’un restaurant.

En ce qui concerne les cours, est-ce que c’est également différent d’être professeur à Dubaï ?

Oui c’est complètement différent ! En Europe, les élèves s’engagent en général à l’année pour les cours. Ici, les élèves ne sont pas régulières et, au fil des semaines, je n’ai presque jamais les mêmes élèves, sauf 2 ou 3 personnes régulières. C’est un peu frustrant lorsqu’on enseigne. A Dubaï, on vit tous à 100 à l’heure et les élèves n’ont pas la patience d’apprendre la danse de façon sérieuse ou de repasser la technique comme on le fait en Europe.
Ce qui marche bien ici en revanche, ce sont les cours de fitness oriental dans les clubs de gym. Depuis cette année, c’est ce que je fais principalement parce qu’il n’y a plus trop de demandes dans les écoles de danse depuis le Covid alors que je m’étais jurée de ne pas faire ce genre de cours ! Aucune explication, on met la musique à fond, ce que veulent faire les filles ici c’est danser, et si je m’arrête une minute pour expliquer un mouvement, elles s’ennuient !
Celles qui veulent vraiment apprendre prennent des cours particuliers avec moi. J’ai beaucoup de demandes ici : ce sont les femmes qui veulent apprendre a danser pour leur mari, celles qui veulent pouvoir faire quelques pas dans les évènements, mais rarement des élèves qui veulent se former à proprement parler.

Qu’est-ce que tu aimes faire pendant une journée tranquille à Dubaï ou aux alentours ?

J’ai un travail de bureau dans un grand groupe international, je danse, je donne beaucoup de cours et j’ai 2 petits chiens 😊 Je cours toujours à droite à gauche et, au fil des années, ca m’a un peu fatigué car je n’avais pas énormément de vie sociale ni de temps pour moi. Quand le Covid est arrivé, tout s’est arrêté d’un coup. Vu qu’il n’y a plus eu de représentations artistiques pendant longtemps et que les gens ne prenaient plus de cours, même lorsque tout a réouvert, j’ai commencé à voir mes amis beaucoup plus souvent et j’ai “découvert” qu’il n’y avait pas que la danse dans la vie.

Je ne suis pas quelqu’un qui va rester sur mon canapé à regarder Netflix donc en général je vais au centre commercial, à la plage, je passe du temps avec mes amis (ici, on est tous expatriés et loin de la famille donc on a un peu créé la notre) et l’hiver, je pars en randonnée le week-end dans les Emirats d’à côté (petite précision : l’hiver, c’est la période la plus agréable chez nous, on a entre 20 et 25 degrés).

A Dubaï, on est gâté niveau climat, on a du soleil toute l’année, mais l’été c’est un peu plus difficile. On a 4 ou 5 mois de très grosses chaleurs. On peut arriver à 50 degrés, alors on ne peut plus marcher dehors et on reste dans des endroits climatisés. L’été, on a le coup de blues que les Français ont l’hiver ! J’en profite en général pour voyager ou rentrer en France ou en Italie pour voir ma famille.

Comment vois-tu l’avenir ? Toujours à Dubaï ?

Je change d’avis tous les 2 ans à peu près. Les 2 premières années, je ne pensais qu’à quitter Dubaï et retourner vivre en Italie (je suis moitié italienne). Les 2 années suivantes, je me disais que je ne quitterai Dubaï que si on me déportait de force 😂, et ces 2 dernières années je me dis qu’un jour, il faudra bien quitter les Emirats. Je préfèrerais évidemment que ce soit le plus tard possible.

On vit quand même dans une petite bulle, on est hyper protégé, c’est pas tellement la vraie vie ici (enfin en tout cas à mon avis). On est loin de la famille, on rate les évènements importants, ce n’est pas toujours facile d’être loin de ses proches. J’avoue que plusieurs choses me manquent d’Europe: se balader dans les rues en centre-ville, la nature, la vraie vie quoi ! Des fois, j’ai l’impression de vivre encore comme une adolescente car il y a un gros décalage entre mon mode de vie ici et le mode de vie de mes amis du même âge en Europe. Mais bon, que puis-je faire, j’adore ma vie ici !

Pour en savoir plus sur Vaina et suivre son travail :


Cet article est d’abord paru dans Ya Salam!

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